Pour l'instant, le système d'exploitation BlackBerry 10 a reçu un bon accueil, mais les analystes disent que l'avenir du constructeur dépendra du succès de l'OS mobile.
Finalement, le temps de convaincre ou de disparaitre est arrivée pour Research In Motion. Après les retards qui ont mis à l'épreuve ses clients les plus enthousiastes, l'entreprise canadienne va enfin lancer aujourd'hui son OS BlackBerry 10 et ses smartphones associés, les Z10 et X10. L'enjeu est on ne peut plus important pour RIM, son avenir en dépend.
L'entreprise, qui a un temps dominé le marché de la messagerie mobile avec des smartphones devenus indispensables au point de rendre les utilisateurs addictifs, a traversé plusieurs années difficiles. Sa part de marché, divisée par deux la seule année dernière, s'est effondrée, RIM n'ayant pas réussi à concurrencer le marché des smartphones à écran tactile, plus attractifs, et à répondre aux exigences changeantes des consommateurs qui sont passés de la simple messagerie au web mobile et aux apps.
Le lancement de la dernière chance pour beaucoup
BlackBerry 10 doit faire oublier tout ça. « Ce lancement est extrêmement important pour RIM », a déclaré Ted Schadler, analyste principal chez Forrester Research. « Le constructeur a décalé la sortie de son OS pour être sûr qu'il était fin prêt, il a cherché à éliminer les bugs. Manifestement, il a voulu attendre d'avoir le meilleur produit possible avant de le mettre entre les mains des bonnes personnes et de convaincre le plus d'opérateurs possible. C'est dire l'enjeu que cela représente pour eux », a-t-il ajouté. « Ça doit marcher, l'avenir de RIM en dépend », a-t-il déclaré.
Jusqu'ici, ceux qui ont utilisé le nouvel OS - la rédaction de LMI en fait bien sûr partie - et ont testé les premiers mobiles tournant sous BlackBerry 10 ont émis des avis favorables. « C'est une étape très positive pour RIM », a déclaré Ramon Llamas, analyste chez IDC. « Cela met BlackBerry au niveau d'Apple, d'Android et de Windows Phone, réactualise la plate-forme et fait sortir le constructeur du contexte de 2010 ». L'une des fonctionnalités qui suscite déjà beaucoup d'intérêt, c'est le hub de messagerie. Celui-ci est chargé de traiter ensemble les e-mails, les messages Facebook, les messages Twitter directs, les SMS et toutes les options de messagerie du téléphone. Il est possible de lire et de répondre à tous les messages à partir du hub, accessible depuis n'importe quel écran du téléphone. « Sur une autre plateforme, vous devez ouvrir chaque application pour répondre à vos différents messages », a expliqué Ted Schadler. « Dans le nouvel OS de RIM, un simple glissement sur l'écran permet d'entrer dans le hub ».
Une bonne gestion des données pro/perso
La façon dont le téléphone sépare les environnements personnels et professionnels a également été bien accueillie. Les paramètres de sécurité en mode professionnel peuvent être entièrement définis et personnalisés par l'employeur. L'utilisateur peut accéder à ses messages professionnels et se connecter à l'intranet de son entreprise sans exposer ses données. Néanmoins, dans son environnement personnel, l'utilisateur garde la liberté de faire ce qu'il veut, puisque, les données potentiellement confidentielles stockées dans l'espace pro, sont totalement isolées du reste. « J'ai bien aimé le mode de navigation », a confié Chris Hazelton, analyste chez The 451 Group. Celui-ci a utilisé l'un des premiers téléphones que RIM doit dévoiler la semaine prochaine. Il sera proposé par son partenaire Verizon Wireless. « C'est différent. C'est une bonne façon de gérer de multiples applications et je n'ai pas remarqué de ralentissement. J'ai été très impressionné par la performance de l'appareil », a-t-il ajouté.
Le hub de messagerie et le mode pro exploitent l'un des points forts de RIM : sa longue relation avec les services informatiques des entreprises. Les départements informatiques doivent déployer RIM BlackBerry Enterprise Server pour faire tourner la plate-forme corporate de BlackBerry et, pour la première fois, le logiciel prend également en charge la gestion des périphériques sous iOS d'Apple et Android de Google. « Je ne suis pas encore convaincu de cette stratégie », a déclaré Chris Hazleton. « Ce n'est pas comme si RIM avait le choix de ne pas supporter iOS et Android, mais il ouvre la porte au support d'autres dispositifs dans les boutiques BlackBerry ».
Les entreprises attendent-elles encore le come-back de RIM ?
Ces jours-ci, les services informatiques des entreprises sont aussi attentifs aux nouvelles offres de Microsoft, qui vient de lancer son OS Windows Phone 8. Microsoft, comme RIM, a de solides ancrages dans l'entreprise et avec le lancement de BlackBerry 10, les deux concurrents se battent pour la troisième place sur le marché des smartphones. « C'est une course difficile avec de nombreux handicaps», a déclaré Ted Schadler. « Si l'on regarde la taille des entreprises, l'argent qu'elles peuvent dépenser et l'argent qu'elles peuvent perdre, l'avantage ne revient pas à RIM », a-t-il déclaré.
Les actionnaires semblent optimistes sur les chances de BlackBerry 10. Le cours de l'action de Research In Motion a plus que doublé depuis la mi-septembre, renversant une tendance affichée depuis plusieurs mois. Mais, à environ 17 dollars, l'action reste encore très en deçà du pic de juin 2008, quand elle se négociait au-dessus de 140 dollars. Pour l'année à venir, IDC prévoit que la part de RIM sur le marché des smartphones diminuera légèrement, à 4,4 %. Selon le cabinet d'études, les livraisons de mobiles passeront de plus de 40 millions en 2013 à un peu plus de 58 millions en 2016. Mais c'est peu par rapport à la croissance globale du marché du smartphone : selon IDC, la part de marché de RIM devrait descendre à 4,2 % en 2016.