L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a rendu public, mardi 15 octobre, un nouvel avis sur les effets des ondes électromagnétiques sur la santé (pdf).
A la lumière de plus de 300 études scientifiques internationales publiées depuis les dernières conclusions de l'agence en 2009, l'Anses ne conclut pas à un "effet sanitaire avéré chez l'homme" et ne propose donc pas de "nouvelles valeurs limites d'exposition de la population."
Elle constate cependant certains effets biologiques chez l'homme et chez l'animal – cassures de l'ADN, stress oxydatif susceptible d'altérer les cellules – modifications qui "semblent être rapidement réparées." L'agence recense aussi des impacts sur l'activité électrique cérébrale pendant le sommeil.
Certains travaux montrent une hausse du risque sur le long terme de tumeur cérébrale chez les utilisateurs intensifs. En 2011, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), affilié à l'Organisation mondiale de la santé, avait classé les radiofréquences comme "cancérogènes possibles".
AUGMENTATION DE L'EXPOSITION DU PUBLIC
Ce nouvel avis de l'Anses est rendu en plein déploiement de la 4G et d'utilisation grandissante des supports sans fil (smartphones et tablettes tactiles). De plus en plus d'enfants disposent désormais d'un téléphone mobile. Une étude publiée en 2012 par l'opérateur suédois Ericsson prévoit que les communications vocales devraient représenter moins de 5 % du trafic global en 2017.
L'Anses insiste sur "le développement massif des technologies recourant aux radiofréquences et conduisant à une exposition intensive de la population, le cas échéant des personnes les plus sensibles, et à laquelle elle ne peut se soustraire." Le déploiement de la quatrième génération de téléphonie mobile, coexistant avec différentes générations de systèmes antérieurs, "devrait s'accompagner d'une augmentation de l'exposition du public", ajoutent les experts de l'agence.
Consciente de ce que les données scientifiques disponibles décrivent une image en partie dépassée de la réalité, l'agence souligne le besoin de mieux documenter et mesurer les expositions – celles liées aux appareils que nous utilisons ou celles dues aux radiofréquences présentes dans notre environnement. Pas plus qu'en 2009 – ou le CIRC en 2011 – les experts de l'Anses n'ont pu trouver de preuves irréfutables d'éventuels effets sanitaires néfastes.
SIGNAUX ANORMAUX
A défaut de certitudes, l'agence évoque un niveau de preuve "limité" pour les anomalies décrites dans certains travaux. Autrement dit, les scientifiques mobilisés par l'agence ont détecté des signaux anormaux qui empêchent de déduire que les radiofréquences sont inoffensives.
Certains mécanismes favorisant la cancérisation ne peuvent être exclus avec les radiofréquences : oxydation de l'ADN, cassures de l'ADN... "Cependant aucun effet pérenne des radiofréquences sur la perte d'intégrité de l'ADN n'a été mis en évidence à un faible niveau d'exposition" et les modifications observées "semblent être rapidement réparées. Elles sont vraisemblablement sans conséquence pour l'intégrité des chromosomes", estiment les experts de l'Anses.
EFFETS BIOLOGIQUES CHEZ L'HOMME
Ces derniers ont aussi exploré les effets non cancérogènes possibles sur le système nerveux central – sommeil, fonctions cognitives, maladies neurodégénératives –, sur la fertilité et sur les systèmes cardiovasculaire et endocrinien. Dans ces domaines, alerte l'Anses, "des effets biologiques peuvent être observés en deçà des valeurs limites d'exposition aux radiofréquences définies au niveau international".
Néanmoins, les experts de l'agence n'ont pu établir "un lien de causalité entre les effets biologiques décrits sur des modèles cellulaires, animaux ou chez l'homme et d'éventuels effets sanitaires qui en résulteraient." Pour Janine Le Calvez, présidente de l'association Priartem qui se bat pour une réglementation des antennes relais, "l'absence d'effets sanitaires avérés ne doit pas empêcher de prendre en compte les signaux que constituent les effets biologiques."
UTILISATION D'UN KIT MAINS LIBRES
A la lumière des conclusions de ses experts, l'Anses émet plusieurs recommandations. Elle prône de mieux décrire l'exposition aux ondes dans l'habitat qui fait actuellement défaut et, en matière d'information, que "les dispositifs émetteurs de champs électromagnétiques destinés à être utilisés près du corps (téléphones sans fil, tablettes tactiles, veille-bébé, etc.) fassent l'objet de l'affichage du niveau d'exposition maximal engendré (DAS)."
Concernant les niveaux d'exposition, elle préconise de les diminuer, notamment pour les enfants, par l'utilisation d'un kit mains libres. Elle souhaite que les conséquences d'une éventuelle multiplication des antennes-relais – ce qui permet de réduire leur puissance émettrice – fassent l'objet d'un "examen approfondi".
Les opérateurs de téléphonie mobile comme les associations de consommateurs ne manqueront pas de remarquer que l'Anses recommande aussi que "le développement des nouvelles infrastructures de réseaux fasse l'objet d'études préalables en matière de caractérisation des expositions, en tenant compte du cumul des niveaux existants et de ceux qui résulteraient des nouvelles installations." L'Anses précise enfin que les travaux en cours sur les personnes souffrant d'électrohypersensibilité et ceux relatifs aux enfants, pourraient l'amener à faire évoluer ses recommandations.
Source : le Monde